L’enseignement explicite en France!

 
Prioritaire : Comment améliorer l’enseignement ? 

La refondation du prioritaire va-t-elle remédier à ce qui caractérise le système éducatif français : le poids des inégalités sociales ? La question de l’efficacité de l’éducation prioritaire se pose dans des termes nouveaux depuis la publication de PISA 2012. L’étude de l’OCDE a mis en évidence le lien entre inégalité sociale et scolaire en France et, en même temps, le doublement du nombre d’élèves très faibles dans le pays en 10 ans. La France apparaît comme un pays où le système éducatif est particulièrement inefficace et particulièrement injuste, deux caractéristiques qui sont à l’opposé des ses valeurs officielles. Mais pour y remédier comment faire ?

 Stabiliser les équipes une première priorité

« Le prioritaire , c’est une sorte de purgatoire pour les enseignants ». La formule d’Agnès van Zanten décrit bien le turn over perpétuel dont souffre le prioritaire. On y affecte les enseignants disposant de peu de points, c’est à dire les débutants. Ceux-ci quittent le plus tôt possible les établissements d’autant plus difficiles que ces jeunes enseignants ne sont pas formés à y enseigner et ont peu d’expérience. Selon les statistiques de l’éducation nationale, seulement un tiers des enseignants en éducation prioritaire ont plus de 5 ans d’ancienneté sur leur poste. Les statistiques ne disent pas combien ont plus de 5 ans d’ancienneté tout court… Le turn over empêche toute constitution solide d’équipe. Il limite la réalisation de projets interdisciplinaires. Il nuit aussi à la discipline et rend le travail de tous plus pénible.

Comment y remédier ? Aucun ministre n’a envisagé de revoir le dispositif de nomination et mutation… Luc Chatel a tenté d’apporter une réponse avec la mise en place de postes fléchés dans les réseaux Eclair. Cette mesure a échoué à trouver les enseignants nécessaires aux réseaux prioritaires même à une époque où les suppressions de postes rendaient les mutations très difficiles.  En janvier 2014, Vincent Peillon a pris deux mesures plus efficaces. D’une part il donne des avantages salariaux aux professeurs des Rep+. Leur prime est doublée. Et ils bénéficient d’une pondération horaire de 1,1 pour 1 heure. Cet avantage restera-t-il attractif si les professeurs ploient sous les réunions de concertation ?

Diminuer les classes ou encadrer davantage les enseignants ?

Comment rendre l’enseignement plus efficace ? Le ministère a choisi l’enseignement explicite. Cela permet de recréer un réseau de formateurs et de drainer des moyens vers les formateurs de formateurs, cet effort étant présenté comme « la plus rentable » par certains formateurs. Mais inciter ainsi à déployer une méthode pédagogique à une assez grande échelle rapidement c’est prendre de risque de dérapages ou d’impuissance. Une autre méthode est possible. En 2006, la célèbre étude de Piketty et Mathieu Valdenaire a calculé l’effet qu’aurait une réduction importante du nombre d’élèves sur la réussite scolaire. La grande force de ce travail c’est de s’appuyer sur une méthode incontestable. Elle joue sur les effets de seuil qui font que de façon aléatoire certaines classes sont éclatées en deux groupes classes. A l’école primaire, aujourd’hui, l’écart entre une école prioritaire et une non prioritaire est de deux élèves. L’étude a calculé l’effet de la suppression d’une diminution de 5 élèves en zep.  » La diminution de 5 élèves des tailles de classes de ZEP conduirait, dans notre hypothèse basse, à une réduction des inégalités de 37% au primaire, 13% au collège et seulement 4% au lycée ». Si l’impact est très faible au lycée, il est majeur à l’école. L’efficacité est facile à établir. Même si les enseignants ne tirent pas le maximum de profit de cette opportunité pour personnaliser l’enseignement, la réduction du nombre d ‘élèves change le climat dans la classe et augmente le temps consacré réellement à l’enseignement. Mais cette réduction a l’inconvénient d’être coûteuse, non pour l’Etat, qui pourrait affecter moins de postes dans les quartiers favorisés et davantage dans les défavorisés. Mais pour les communes défavorisées qui doivent déjà faire face à la demande de classes de maternelle.

« On veut actionner tous les leviers ensemble », annonce JP Delahaye. Il a avec lui un ministre qui, depuis sa nomination, répète qu’il veut s’attaquer aux inégalités. Une forte volonté politique ne sera pas de trop pour briser ce qui ressemble à une fatalité.

 

François Jarraud

 
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A propos stevebissonnette2012

Monsieur Steve Bissonnette est professeur titulaire au Département d'éducation à la TÉLUQ depuis juin 2012. Au cours des années précédentes, il a également été professeur et directeur adjoint au Département de psychoéducation de l'Université du Québec en Outaouais (UQO) au campus de Saint-Jérôme. Son domaine de spécialisation est l'intervention en milieu scolaire. Il a travaillé, pendant plus de 25 ans, auprès des élèves en difficulté et du personnel scolaire dans les écoles élémentaires et secondaires ainsi qu'en Centre Jeunesse. Le professeur de la TÉLUQ s'intéresse aux travaux sur l'efficacité de l'enseignement et des écoles, à l'enseignement explicite, à la gestion efficace des comportements ainsi qu'aux approches pédagogiques favorisant la réussite des élèves en difficulté. Monsieur Bissonnette est le premier chercheur canadien dont les travaux portent spécifiquement sur l’implantation d'un modèle de réponse à l'intervention comportementale soit le Soutien au Comportement Positif (SCP) ou Positive Behavioral Interventions and Supports (PBIS) dans les écoles francophones, et ce, depuis plus de 10 ans. De plus, le professeur Bissonnette collabore avec l'Université de Liège et celle de Mons à la mise en oeuvre du SCP dans les écoles belges. Le SCP implanté à la commission scolaire des Laurentides, avec notre équipe de recherche, s'est mérité en 2019 le prix du ministère de la Famille « Ensemble contre l’intimidation, catégorie milieu scolaire ». Le chercheur de la TÉLUQ a prononcé plus de 500 communications en éducation et a participé à la rédaction de plus de 70 publications sur le thème de l'efficacité de l'enseignement et des écoles, dont son dernier ouvrage L'Enseignement explicite des comportements (2016). Au printemps 2012, monsieur Bissonnette a reçu, des étudiants en psychoéducation de l'UQO au campus de Saint-Jérôme, une mention d'honneur pour la qualité de son enseignement. À l'automne 2017, monsieur Bissonnette a reçu une mention d'honneur décernée par la TELUQ pour sa contribution au développement de l'université dans la catégorie Excellence en enseignement. Le professeur de la TELUQ est chercheur associé au Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) ainsi qu'au Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ).
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